vendredi 27 septembre 2019

28 septembre 2019 - Triste journée, pensées posthumes

Journée bien pluvieuse aujourd'hui… temps propice au repliage des valises. C'est la fin des vacances pour mes parents et le retour en France s'accompagne d'une grosse pluie qui donne juste envie de rester sous la couette… même s'il fait dix fois trop chaud pour supporter duvet ou couvertures. 

En soi, cela suffit déjà à me donner le bourdon. 

Echanges de messages avec les copines, je ne vois pas passer une tentative d'appel d'un ami d'Antibes dans les préparatifs du petit déjeuner. Joindre les gens par téléphone est une gageure ici. Les six heures du décalage horaire ne se combinent pas bien avec le rythme des journées. Le week-end, on s'en sort un peu mieux sans la contrainte du boulot et je peux rappeler en fin de matinée, pas encore trop tard pour la France. 

Et là, c'est le choc. Au lieu de reprendre la conversation où nous l'avions laissée la dernière fois, quelque part entre yassa et mafé et considérations culinaires diverses suite à mon exploration du marché Fu Tai en bas de la Côte des Neiges à la fin du mois d'août, c'est sa femme qui m'apprend que Laye est décédé le 17 septembre suite à une crise de drépanocytose qui, cette fois-ci, s'est achevée par un arrêt cardiaque. Je suis abasourdie, profondément choquée, désemparée.

Laye, 51 ans. Géant au style et à la classe folle. Deux mètres d'humour et d'esprit. Il semblait aller mieux, son rôle de père le comblait, il avait trouvé une certaine sérénité qui se mariait bien à sa philosophie personnelle, sa foi profonde le portait. Mais la drépanocytose est une maladie génétique cruelle qui revient crise après crise dans des souffrances terribles. Et on ne l'emporte jamais. On a beau se dire que toutes les dernières années étaient déjà des victoires sur le destin, l'épée de Damoclès était bien là, suspendue jusqu'à la fin du sursis, prête à s'abattre. Les changements de saison étaient des écueils redoutés, apportant leurs lots de douleurs et de risques. Cet automne lui a été fatal.
Bref, c'est une partie de mon monde qui s'écroule, une de mes fenêtres ouvertes sur le continent africain et la multitude de cultures qui y cohabitent. 

Regrets et souvenirs se bousculent. Près de vingt ans que je le connaissais - une belle tranche de vie, toujours une certaine complicité malgré les années qui s'étaient écoulées.
Regrets de ne pas avoir eu le temps de passer pour une courte visite lors de mon passage en avril. (Mes déboires immobiliers ont bousculé tout mon planning et je n'ai vu personne - certains s'en offusquent sans chercher à comprendre). Regrets de ne pas avoir passé plus de temps pour des virées ou des bonnes bouffes dans les années qui ont précédé mon départ pour Montréal, notamment à la fin de l'année dernière, trop occupée à vider mon appartement. On s'était promis de ne pas laisser passer le prochain Nouvel An sans se souhaiter tout le meilleur du monde. 
Tout simplement regrets de ne pas savoir exprimer mon affection à ceux que j'aime, à mes proches, et mes amis.

Souvenirs heureux - le temps gomme les souvenirs plus pénibles et c'est très bien - grands bavardages à refaire le monde en sirotant un thé ou par téléphone ou messages, échanges de recettes de cuisine avant de déguster les derniers essais (faites un tour dans mes pages "voyages gourmands" et arrêtez-vous quelques instants pour humer les marmites de Poulet yassa ou de mafé, ou de curry - ces plats n'auront plus jamais le même goût), discussions sur l'actualité politique d'ici et d'ailleurs, situation en Afrique et au Sénégal en particulier, littérature, mode, arts plastiques et musique avec des goûts assez éclectiques… tout sujet était digne d'intérêt et apportait un autre éclairage. 
Il était le destinataire d'une partie de mes revues de presse et m'envoyait certains articles de fond à l'occasion d'une fête ou d'une célébration - Ramadan, Korité, Tabaski et leurs pendants chrétiens - Pâques, Noël. Il m'avait guidé dans mes premières lectures "africaines" en m'indiquant quelques auteurs et ouvrages de référence, et ne se lassait pas de découvrir de nouveaux "sons" de tous horizons.   

Bref… je continuerai à entendre sa voix espiègle me demander "Comment va Kinou ?" (ou bien "l'Américaine"… et récemment la "Canadienne"selon le coin de la planète que j'étais en train d'arpenter)... et j'espère que ce fil qui me reliait à ce petit bout d'Afrique ne sera pas complètement rompu, que cette fenêtre qui se referme laissera encore passer un peu de la lumière qui émane de ce grand continent.

Mes pensées vont à sa femme et à son jeune fils, et au reste de sa famille, son père vieillissant au Sénégal. Le vide doit être terrible.

Dewenati Laye… tu nous manqueras à tous...



Quelques liens en vrac :
> https://www.orpha.net/data/patho/Han/Int/fr/Drepanocytose_FR_fr_HAN_ORPHA232.pdf 
> http://sosglobi.fr/
https://en.wikipedia.org/wiki/Sickle_cell_disease et https://fr.wikipedia.org/wiki/Drépanocytose

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